Ouvertures

Présentation de l’association marocaine ADVN (Zagora)

Association pour le déveveloppement de la vie nomade
lundi 9 avril 2012 par La rédaction

Cet article est un développement et une actualisation de la première présentation que nous avions faite l’année dernière de notre troisième association soeur au Maroc.

En un an, la situation a bien évolué puisque grâce à vous et au subside que Bpost nous a attribué pour notre soutien au projet d’une troisième école à Bouzougar celle-ci a enfin pu démarrer ses activités.

« ASSOCIATION POUR LE DEVELOPPEMENT DE LA VIE NOMADE »

§1- Présentation de l’ADVN

Comme exigé de toute association au Maroc par le gouvernement marocain, en 2001 l’ADVN (Association pour le Développement de la Vie Nomade) a déposé et fait enregistrer ses statuts conformément au Dahir n° 367-58-1 de juin 1958. Des liens pour le téléchargement de ces statuts officiels de même qu’un dossier complet sur l’ADVN et le contexte géographique, économique et sociologique dans lequel elle s’inscrit se trouvent en bas de cet article. Pour une immersion dans l’environnement où travaille l’ADVN ne manquez pas le reportage vidéo exceptionnel réalisé à Bouhjabe par Yann Verbeke (publicité gratuite pour un travail réellement superbe).

Au début l’association était perçue par les nomades plutôt comme une émanation du gouvernement national (ce qu’elle n’est pas) mais très vite elle a réussi à gagner leur confiance. Aujourd’hui elle leur est même devenue indispensable : elle est l’intermédiaire de confiance des familles pour tout ce qui concerne les relations avec les autorités ou les centres de santé, les formalités administratives, etc... . Par ailleurs, ses membres actifs sont eux-mêmes issus de familles nomades ayant eu la chance de faire des études mais désireux de rester solidaires du groupe social dont ils continuent à se revendiquer. Ils ont donc la double capacité de comprendre les problèmes immédiats de ces familles, ceux causés par la désertification progressive, la raréfaction des pâturages, le manque d’eau, et ceux impitoyablement imposés par l’évolution du monde moderne. Mais aussi ils sont capables d’entrevoir, tout en préservant leur culture et leurs valeurs ancestrales, des voies d’adaptation à la situation en cours.

Les actions directes de l’association visent principalement mais non exhaustivement l’alphabétisation des enfants des familles nomades et semi-nomades du désert de la région. C’est ainsi qu’elle déjà créé deux écoles (l’une dans la commune rurale de Mhamid El Ghizlane dans la région de Bouhjabe et une autre dans la commune rurale de Tagounite dans la région de Tafraoute) et qu’une troisième école déjà construite en dur et aménagée sur le plateau de Bouzougar à une trentaine de km de Zagora ouvre ses portes en septembre 2011.

L’ADVN est aussi très impliquée dans la problématique de l’indépendance financière des femmes. En effet les troupeaux (la seule vraie valeur et leur seule « banque ») sont la propriété des maris. L’association les aide donc à promouvoir leur artisanat (bijoux, tissages) auprès des touristes de passage.

En cas de gros problème de santé, notamment en cas de grossesse à problème, l’association se charge aussi d’emmener les personnes concernées à l’hôpital de Zagora (le seul hôpital de la province) ou un centre de santé.

L’association organise également des campagnes de vaccination du cheptel (notamment contre la maladie de la langue bleue) et à son initiative des vétérinaires dispensent des conseils aux éleveurs.
Elle aide aussi au creusement, à l’entretien et au renforcement des puits.

L’association veille aussi à briser l’isolement extrême dans lequel vivent ces familles. Elle joue un rôle fédérateur et les rassemble dans des liens de confiance et de solidarité. Elle leur ouvre des portes pour la connaissance du monde extérieur dont elles n’avaient aucune conscience auparavant et elle veille à ce que cette rencontre avec d’autres cultures ait lieu dans le respect mutuel, en promouvant les valeurs de solidarité, de tolérance, d’échange, de connaissance réciproque avec les autres tribus ou ethnies marocaines ou d’ailleurs, par-delà les questions de religion, de philosophie, de race et de politique. L’article XIX de leurs statuts est sans appel à ce sujet.

Ces deux dernières années l’association a participé au Festival International des Nomades qui se déroule annuellement à Rabat sous le patronage de SM le Roi Mohammed VI et rassemble des délégations de nomades du Maroc mais aussi d’Algérie, de Mauritanie, du Mali, etc. Au programme : exposition d’artisanat, animation musicale, exposés par des universitaires, médecins, vétérinaires, meetings sur des sujets d’intérêt commun tels que : idéologie, culture, langue, santé. L’association y emmène avec elle quelques adultes jeunes et moins jeunes : ceux-ci ne se privent pas d’assister et de participer à des séminaires très pointus dirigés par des professeurs d’université sur les problèmes environnementaux et la désertification. Ces derniers sont d’ailleurs étonnés du niveau de connaissance et de conscientisation acquis par la population concernée par leurs écoles.

Elle organise annuellement pour les enfants une excursion pédagogique et de détente qui leur permet de découvrir un monde dont ils n’avaient aucune idée : visite de grandes villes marocaines, d’aéroport, de gares ferroviaires, etc… Ainsi accompagnés, les enfants ont l’occasion de découvrir dans les meilleures conditions et sans choc culturel traumatisant cette partie du Maroc dont ils seraient, sinon, exclus de fait.

Elle veille à la protection des traits spécifiques de la culture nomade tout en oeuvrant à la connaissance et à l’ouverture de cette société particulière aux autres cultures du Maroc

mais aussi d’Europe et du monde entier. Elle veille à ce que le tourisme au désert, en expansion, donne lieu à un véritable échange dans le respect mutuel, respecte cet environnement fragile et profite financièrement aux populations nomades plutôt qu’à des tours opérateurs dénués de toute éthique.

§2- Les ressources de l’ADVN

L’ADVN ne possède aucune ressource propre si ce n’est les dons et le travail bénévole de ses membres. Elle ne reçoit aucun subside régulier des pouvoirs publics marocains à quelque niveau que ce soit. Parfois elle bénéficie éventuellement d’une aide financière pour l’achat de carburant ou la location d’un bus pour se rendre au Festival Annuel des Nomades à Rabbat ou pour la petite excursion annuelle des enfants de familles nomades.

Le secrétaire de l’association Ali Benyachou, petit berger nomade devenu diplômé en géographie de l’université d’Agadir, chômeur diplômé puis guide touristique agréé, organise des randonnées, méharées ou déplacements en 4x4 vers les sites d’activités de l’ADVN en offrant des rencontres encadrées avec les familles nomades. Son agence Caravane Sweet Dream ristourne à l’association une partie de ses bénéfices réalisés au cours de ces expéditions. Il pratique un tourisme solidaire et responsable, respectueux de la nature et favorisant les échanges humains évitant la satisfaction des fantasmes européens et les mises en scène orchestrées avilissant les nomades.

Dès 1998 une association italienne, « SHARE, human life project », avait commencé à creuser et remettre en état d’anciens puits utilisés par les nomades de la région du lac Iriki. En 2001 elle a décidé la création d’une école à Bouhjabe qu’elle maintient toujours et en a confié la gestion à l’association ADVN.

Fin de cette même année 2008, une seconde association italienne, « Mondo Incantato », décidait de collaborer avec l’ADVN pour la construction et l’ouverture d’une seconde école à Tagounite à
proximité de Tafraoute.

En 2010,

un groupe de jeunes Guyanais (une initiative de Equinoxe Formation et de la Mission Locale Régionale de Guyane) participe à la construction d’une troisième école sur le plateau de Bouzougar
qui ouvre ses portes en septembre 2011 grâce au financement du salaire de l’instituteur par l’association belge « Ouverture Nord-Sud ».

On peut donc considérer que les maigres fonds de l’association proviennent essentiellement de partenariats avec des associations socio-culturelles étrangères qui ont noué des liens profonds avec
l’ADVN et les familles nomades.

§3- Le travail de l’instituteur dans une écolde de l’ADVN

L’instituteur est hébergé et nourri sur place dans les conditions de semi précarité qui prévalent en ce lieu. Ne relevant pas de l’enseignement officiel (il s’agit d’abord d’alphabétisation) il se conforme aux impératifs locaux concernant ses horaires et ses jours de congé. Il doit bien évidemment parler le berbère local et être de préférence issu lui-même de cette société nomade.

Dans une famille nomade, adultes et enfants, hommes et femmes, se répartissent traditionnellement les tâches. C’est pourquoi l’école organise ses cours en séances du matin et séances de l’après-midi.
Ainsi les familles peuvent organiser à tour de rôle le gardiennage des troupeaux et toute autre tâche tout en permettant à chacun de participer à l’école. La distance entre l’école et les familles les plus
éloignées de celle-ci peut-être de plus de 2 km. Les enfants du désert sont habitués à la marche et ils se rendent à l’école à pied sans problème.

L’instituteur ne se conforme pas aux horaires et au programme d’enseignement d’une école d’état puisqu’il s’agit d’un programme d’alphabétisation qui déborde le cadre des enfants et en dépasse les limites (amélioration indirecte des conditions de vie locales). L’enseignement comprend d’abord l’écriture des chiffres et des alphabets latin et arabe, des cours de religion islamique, de calcul, de sciences physiques et géographiques (… notamment les états physiques de l’eau, l’évaporation, les nappes phréatiques), mais aussi des expériences d’électricité, et bien sûr l’enseignement des langues française, anglaise et arabe marocain. Pour les plus avancés on en arrive même à l’écriture, la lecture, la récitation et la rédaction de textes complets dans ces langues.

Le travail de l’enseignant ne se borne pas à l’alphabétisation des enfants. Des cours en soirée concernent aussi les adultes. Son temps de travail n’est pas celui d’un fonctionnaire : enfants du matin, enfants d’après-midi, et adultes en soirée. Son rôle ne se limitera pas à la scolarisation. Il a aussi un rôle à jouer dans la détection des manques d’hygiène ou de maladies chez les bénéficiaires ou de tout autre problème affectant la collectivité locale. Il est en fait le premier point d’appui des nomades auprès de toute instance administrative politique ou sanitaire pour n’importe quel problème et en réfère à l’ADVN. Il doit aussi quelquefois payer de ses efforts physiques pour tout aménagement utile à l’école. Avec l’aide des habitants et des enfants.

En outre il s’occupe du bien-être global (hygiène, habillement), détection de maladies individuelles ou endémiques), des problèmes de voisinage. Et les séances pour adultes en soirée permettent une conscientisation de toute la population concernée (par le biais des enfants) aux problématiques de la vie nomade et à la recherche de solutions :

  • adaptation nécessaire au monde qui vient
  • respect de l’environnement
  • problèmes sanitaires
  • campagnes de vaccination du cheptel et conseils vétérinaires
  • assistance aux personnes gravement malades (transport vers l’unique hôpital de la province ou vers des SSA (centres de santé). Cas typiques mais non exhaustifs : grossesses à risque, piqûres de scorpion ou de serpent.
  • recherche de solutions pour une amélioration de la condition financière des femmes (organisation d’un groupe d’artisanat et d’une structure de vente de ces produits aux touristes de passage).

L’alphabétisation des enfants avec les multiples retombées sur leurs vies personnelles et celle de leur famille est la tâche principale de l’instituteur. L’enseignement est dispensé dans la langue berbère locale et non en darija (arabe marocain). Ses compétences et sa connaissance du milieu et des usages locaux aident l’ADVN à établir des rapports de confiance avec la communauté locale. Par l’intermédiaire des enfants et de l’école, un nouveau rapport social s’établit. Et les effets indirects sont impressionnants car les progrès ne se limitent pas à l’alphabétisation : des exposés concrets sur toutes les problématiques de la vie au désert sont dispensés. C’est ainsi que les enfants répercutent dans leur famille ce qu’ils ont appris à l’école. Par exemple une mère de famille qui utilise beaucoup d’eau pour sa lessive, se verra gentiment réprimandée par ses enfants ; interloquée, elle viendra à l’école pour participer à des exposés en berbère sur la nécessité d’économiser l’eau et le bois de chauffe, sur l’hygiène, sur la préservation de l’environnement, etc. Au-delà de l’alphabétisation cette école est donc aussi un lieu de réflexion et d’espoir pour ces communautés.

§4- Stratégie de lutte contre la pauvreté

Il tombe sous le sens que l’alphabétisation est la première pierre à poser dans la lutte contre la pauvreté. C’est le gage minimum pour faire valoir ses droits, pour voter, pour rendre la démocratie effective.

C’est aussi indispensable dans beaucoup de situations critiques comme une admission à l’hôpital ou un centre de santé, une inscription dans une école, une demande de carte d’identité, un retrait à la poste ou à la banque … C’est vraiment le minimum dans une société qui a basculé dans un bureaucratisme généralisé si peu adapté à la culture nomade où la parole est reine et souveraine. C’est aussi le moyen de devenir capable de communiquer avec les autres en dehors de sa communauté : les pouvoirs officiels, les autres communautés, les touristes de passages. L’ADVN attache une grande importance à l’ouverture vers le monde et bien sûr aussi vers les autres populations du Maroc.

Mais le plus important est sans aucun doute d’ouvrir une porte pour certains qui auront ensuite la chance de suivre de vraies études d’éviter une migration de jeunes vers les grandes villes qui se passe généralement très mal vu leur impréparation (solitude, analphabétisme, manque de qualification et surtout méconnaissance totale des autres cultures et modes de vie), avec le risque ensuite d’une émigration vers l’Europe : en leur rendant l’espoir et la dignité, l’accent est mis sur l’amélioration menée de façon solidaire de leurs conditions de vie dans leur propre milieu et en préservant leur culture.

Par rétroaction le programme d’alphabétisation permet aussi aux familles nomades de participer à la gestion de leur destin précaire grâce à la conscientisation de leur situation et d’y apporter les solutions rendues possibles par le fait qu’elles sont largement débattues dans ces écoles, en présence des anciens :

  • désenclavement et accès aux services administratifs, de santé et d’enseignement officiel
  • assistance sanitaire aux éleveurs
  • sensibilisation aux problèmes dus à la désertification (ensablement, raréfaction de l’eau, des pâturages, du bois de chauffe)
  • apport de revenus supplémentaires pour les familles, notamment les femmes : promotion de l’artisanat, participation en tant que partenaires à une forme de forme de tourisme écologique, équitable et solidaire

§5- Nouveaux développements

A Bouhjabe, la prochaine étape est d’y réaliser un centre culturel complémentaire à la classe existante et un centre d’artisanat, ce centre d’artisanat étant la première étape du projet. Il s’agit d’installer 3 à 4 tentes supplémentaires devant servir d’ateliers où les femmes pourraient se livrer defaçon communautaire à la confection de tapisseries, bijoux et divers objets de la culture nomade.
Le même nombre de tentes devraient y être installées pour servir de dépôt et de salle d’exposition et de vente des objets manufacturés.

En effet, un tourisme solidaire bien maîtrisé et encadré grâce à l’ADVN et aux treks organisés en partenariat avec Caravane Sweet Dream (l’agence de treks solidaires mis en place par le secrétaire Ali Benyachou) est devenu une source de revenu non négligeable les femmes et permettrait de développer encore cette forme de tourisme respectueux apprécié par les familles nomades et de refreiner les tentatives d’exploitations de ce créneau par des tour-opérateurs intéressés par leurs seuls bénéfices au détriment du bien-être et de la dignité de la population nomade.

Peu à peu il s’est avéré indispensable à l’école de Tafraoute de compléter le programme d’alphabétisation en créant une passerelle vers l’enseignement officiel de façon à permettre aux bénéficiaires de cette école qui le souhaitent de poursuivre des études dans une école d’état et d’acquérir ainsi un diplôme officiel qui pourra changer fondamentalement leur destin et celui de leurs familles. Ce projet peut être développé grâce à certaines collaborations et à certains dispositifs
de mise à niveau existant au niveau de l’enseignement officiel marocain. Ce nouveau projet est déjà en cours d’élaboration à l’école de Tafraoute et devrait s’étendre aux deux autres écoles de
Bouhjabe et de Bouzougar.


Documents joints

Les statuts officiels de l’ADVN

11 avril 2012
info document : PDF
11 kio

L’ADVN et son contexte géographique, économique et sociologique

11 avril 2012
info document : PDF
253.7 kio

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